De l’importance des photos d’enfants dans l’œuvre de Jean Mohr et en particulier dans le contexte irlandais.
Eileen et les petits chanteurs :
D’une manière générale, je n’ai pas de peine à entrer en contact avec les gens que je photographie dit Jean Mohr mais l’approche des enfants est plus facile parce qu’il suffit de quelques trucs élémentaires, de quelques clowneries, de quelques grimaces ou simplement pour rompre la glace, de montrer l’intérêt d’un adulte pour des enfants.
D’autre part, les enfants n’essaient pas de se cacher derrière un masque. Leur visage reflète ce qu’ils vont devenir et non ce qu’ils ont vécu.
Dans le cas d’Eileen par exemple, obtenir la permission des parents aurait demandé une lente et savante approche avec risque de refus alors qu’avec Eileen, les règles du jeunot vite été acceptées de part et d’autre, la complicité des parents suivant presque inévitablement.
Dans le cas des petits vendeurs de journaux, les garçons étaient très fiers qu’on s’intéresse à eux et tenaient à montrer combien ils accomplissaient leur travail avec sérieux, d’où le peu de sourires.
Les petits vendeurs de journaux de Dublin.
Dublin, capitale de l’Irlande (522.000) habitants) n’est pas seulement la cir de l’industrie chimique, des grandes brasseries et du textile, des constructions mécaniques ou navales. Elle est aussi le fief des petits crieurs de journaux qui s’égosillent jusqu’à minuit à vendre les éditions du soir.
Ils ont de huit à quinze ans et leurs voix rauques, infatigables, animent les rues nocturnes, plaintes longues et persuasives.
Ils ont chacun leur quartier. On les voit solitaires, appuyés contre un lampadaire, à l’abri d’un porche ou prospecter crânement les cafés et les cabarets. L’un d’eux que je rencontrai par hasard dans un quartier très éloigné de son lieu de vente habituel, un paquet de journaux sous le bras, me cria joyeusement en courant : « Tu vois, je suis comme un oiseau ! »
(V.T.Rosshard « L’Illustré, hebdomadaire Suisse 29.10 1959
La petite aveugle
Cette petite histoire toute simple, est centrée sur un seul visage, celui d’une petite aveugle.
Un seul cadre, le cadre rigide de la fenêtre. Le visage de la petite fille vu à travers une moustiquaire apparaît comme légèrement voilé, ce qui lui donne un côté un peu irréel.
La communication entre elle et le photographe s’établit de façon visible, elle va de la méfiance au sourire, pour aboutir à un moment de joie pure. L’interview de Jean Mohr explique comment s’établit cette relation entre lui et la petite aveugle. Une relation de confiance essentielle pour lui, qui nécessite différentes approches selon la personne photographiée.
Chez Jean Mohr, elle passe souvent par le dessin, par des portraits rapides faits souvent au crayon ou au stylo à bille qu’il donne ensuite au modèle, ou par des petits gestes lorsque celle-ci parle une langue inconnue, mais dans le cas d’une petite aveugle, une autre approche était nécessaire.
Ces photos, elle ne les verra jamais. Je resterais pour elle, l’étranger qui imitait les animaux
Transcription d’un interview filmé tiré du film « Un photographe parmi les hommes » de Claude Goretta (1978)
J’étais en Inde où je logeais chez ma soeur qui a habité une vingtaine d’années là-bas, au Nord de Dehli. Elle m’avait averti que je risquais d’avoir la visite d’une petite aveugle qui était la fille du nettoyeur, un intouchable. Ma sœur m’avait dit, il ne faut pas t’étonner si elle vient te déranger peut-être le matin, c’est par intérêt.
J’avais oublié ce fait. Le matin, tout à coup, un petit bruit m’a réveillé, quelqu’un grattait à la fenêtre et je me suis rendu compte que c’était justement la petite aveugle qui essayait d’entrer en communication avec moi. Je l’au vue se profiler sur la fenêtre et à ce moment là, je me suis dit non, je ne peux pas lui parler, je ne peux pas lui parler, je ne peux pas lui sourire puisqu’elle ne voit pas,
J’ai commencé par faire un petit bruit de chat. Elle a été très étonnée su premier abord. Après le chat, ça a été un chien, un âne, enfin toute la ménagerie y a passé pratiquement et au bout de quelques minutes, elle riait à gorge déployée. J’ai hésité un instant parce qu’on a toujours une prévention à photographier une aveugle, mais je me suis dit, pourquoi pas, c’est une pudeur mal placée dans ce cas là.
Jeux d’enfants
Un enfant qui joue est dans son monde, un monde privilégié.