«Allez expliquer Jean Mohr. C’est une sorte d’ermite sociable. Un sauvage civilisé, un solitaire doux, un ascète.»
Jean-Claude Poulin
Nicolas Bouvier
Transcription de l’extrait d’un interview de Nicolas Bouvier du film «Un photographe parmi les hommes» de Claude Goretta, 1978
Avec plusieurs photos de Nicolas Bouvier faites par Jean Mohr.
Je trouve dans l’approche ou la démarche de Jean une chose qui lui est particulière et qui me plait énormément, c’est une sorte de réserve devant la chose photographiée, une sorte de non intervention, qui me paraît admirable, une espèce d’écoute, d’écoute du sujet et il me semble que c’est exactement comme cela qu’il faut qu’un photographe procède pour que son travail prenne la profondeur et la résonance souhaitable.
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John Berger écrivain et scénariste.
Transcription de l’extrait d’un interview de John Berger du film « Un photographe parmi les hommes de Claude Goretta 1978.
Quand je pense à Jean, je pense toujours à ses yeux. Ses yeux bleus, un peu durs, un peu doux, souvent très fatigués. Et ça se voit cette fatigue, parce qu’il travaille avec ses yeux. Avec ses yeux, il remarque les choses, mais plus important, il choisit les choses.
On pense qu’une chose est photographiée, c’est vrai. Mais ça nêst pas juste, parce que c’est un instant de la vie et la vérité d’une certaine durée. Donc, le problème pour le photographe, c’est de choisir. D’où la fatigue des yeux de Jean. Parce que, même lorsqu’il ne prend pas de photos, je crois qu’il choisit tout le temps les images qui lui semblent être vraies.
Quand il travaille avec les gens, il devient presque invisible. C’est à dire, après quelques minutes, il est là, il est en train de prendre des photos et les personnes (même les personnes qui sont en train d’être photographiées) l’ignorent. Et je crois que ce don, parce que c’est un don chez Jean arrive à cause d’une discrétion extraordinaire, une discrétion qui est liée avec la façon dont il peut s’identifier avec les autres. Donc, il laisse aux gens la possibilité de garder leur propre présence et leur propre âme.
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A la recherche du père
Père adulé, père honni, père complice, père castrateur, initiateur, inquisiteur, envahisseur, absent.
Le mien semble difficile à cataloguer. Il fuit l'étiquette. Est-ce que je l'admire? Le craint? Non! Est-ce un ami? Non plus!
Il se contente d'être là et d'engranger les images d'une vie qu'il traverse toujours aux aguets. Plus comme un amateur de champignons dans un bois automnal que comme un chasseur. Le nez long et l'oeil aiguisé, avide de débusquer une chanterelle ou un beau bolet cèpe. Le sourire toujours rapide, mais du bout des lèvres. Curieux comme une pie mais plus discret qu'une fouine. Il est partout sans y paraître, à traquer le moment juste et une certaine idée de la vérité.
Mon père je l'appelle papa, il ne m'a jamais frappé. Jamais je n'ai désiré le tuer. Je l'aime comme une évidence. Comme celui qui m'a fait grimper aux arbres, nager sous l'eau et fouler les glaciers. Comme celui que j'ai toujours vu à quatre pattes devant les enfants et les animaux, à grogner, siffler, aboyer, miauler et ruer comme une horde de bêtes fauves.
(Lettre de Patrick Mohr dans "A la recherche du père" de Viviane Esders, 1993).