... sur la photographie

Travail avec la presse: De la nécessité de témoigner.

Pourquoi faut-il prendre des photos? Tout d’abord pour m’exprimer puis pour montre aux autres ce qui se passe dans le monde, il y a toujours quelque chose à exprimer… c’est pourquoi il est si difficile d’arrêter. Comme un drogué,… je recommence à prendre des photos.
Jean Mohr «Another way of telling» BBC 1986

Au moment où je m’apprête à appuyer sur le déclic, entre une arme à feu et un appareil de photo il n’y a pas de grande différence. On se cale, il y a toute une stratégie pour prendre la photo. On fait en sorte quand on travaille sans flash et avec des vitesses lentes, de ne pas trop bouger, donc, il y a une série de gestes qu’on accomplit qui sont ceux d’un chasseur quand même.

PD: Cela vous est déjà arrivé d’accompagner une armée sur le terrain? De vous trouver dans des lieux de guerre?

Non, pratiquement pas. Disons que je suis un photographe d’avant guerre ou d’après guerre mais je laisse les photos de guerre à des spécialistes. Je ne sais même pas si je serais peureux ou si je serais pris de panique, probablement pas parce que je sais parfaitement que lorsqu’on est derrière son appareil, le reste compte relativement peu.

Extraits d’interviews de Jean Mohr par Pascal Dibbie. 
France Culture 1991


 

On imagine souvent le photographe, le reporter courir sans arrêt, préoccupé avant tout par sa prise de vue, mais en fait, ce moment consacré à la photo proprement dite est minime par rapport à tout ce qui précède et tout ce qui suit. Ce qui précède, c'est toute la préparation, c'est toutes les démarches à faire, c'est toute la stratégie à mettre en place, au fond, pour pouvoir agir de manière valable.

Autrement dit, il y a des moments d'attente, des moments qui sont malheureusement très très fréquents, et cette attente n'est pas du tout vaine. Elle peut être mise à profit soit pour penser un tout petit peu au sujet, soit pour lire, soit pour écrire éventuellement, mais il faut être préparé à rester inactif pendant des heures, des jours avant de pouvoir vraiment passer à l'action.

Transcription d'un interview du film "En voyage avec Jean Mohr" de Villi Hermann, 1978.

 

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Jean Mohr, un émigré!

Du fait de ses origines allemandes dont il a souffert, Jean Mohr ressent très profondément les problèmes des migrants et des réfugiés.

Dans un rêve, un ami venait de très loin pour me voir et dans le rêve, je lui demandais: «Est-ce que tu es venu par photographie ou par train?» 
Toutes les photographies sont une forme de transport et l’expression d’une absence.
John Berger «Le septième homme». 1975

J’ai vécu au fond, l’avant guerre à Genève dans un quartier relativement populaire, d’une manière… pas désagréable, mais assez profonde, assez humiliante, car j’étais pour eux pour mes camarades de classe et pour les voisins du quartier, j’étais le sale boche au fond. Et je les comprends fort bien. En 1938 ou 39, j’étais un adolescent à cette époque et c’était une cible toute trouvée. Donc, j’ai vécu, presque dans ma chair, ce que c’est que d’être un exclu, et, tout naturellement, quand j’ai revu des exclus par la suite, des Palestiniens au Moyen-Orient, soit au Liban, soit en Jordanie, soit même en Israël, automatiquement j’ai ressenti une compassion si on peut appeler ça comme ça, une sympathie, Je sentais à travers eux.
Transcription d’un interview de Jean Mohr par Olivier Germain Thomas, France Culture 1992.


 

... "Au Bout du Monde", j'ai essayé de suggérer pourquoi un tel lieu, un tel ailleurs est intrinsèque à la vision et à l'oeuvre de Jean. Je pourrais exprimer cela différemment. Jean est toujours en territoire étranger, ou Jean est toujours l'étranger.

Et comme tous les nomades, il sait comment l'invité se comporte et comment l'hôte reçoit. Et le paradoxe est là: "Au Bout du Monde", c'est là qu'il se sent chez lui, à la fois comme hôte et comme invité (...)

Et même parmi ses confrères, Jean est un grand photographe voyageur. Il s'est rendu sur les cinq continents, dans beaucoup de coins du monde. Pas de prime abord pour photographier, mais pour observer. Ses photos ne suggèrent jamais qu'il cherchait, mais plutôt qu'il lui est arrivé de passer par là.

Il y a quelque chose d'étrangement fortuit, comme suspendu, dans ses images. Une sorte de nonchalance.

Et c'est pour ça précisément qu'on croit à l'authenticité particulière de ses photos.

John Berger, traduction d'un extrait de "A sketch for a Portrait" dans "At the Edge of the World", Reaktion Books, 1998

 

 

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Le peintre défroqué

C’est souvent difficile de savoir à quel moment commence l’état de grâce pour ces prises de vues que j’appelle recherches formelles, parce qu’il y a tout un processus. Il faut être très à l’écoute. Il faut être comme une éponge y compris l’aspect bruit, et il y a presque toujours dans les cas où je pars en chasse pour de telles photos, un moment d’échauffement, presque comme dans l’amour. Il y a des préliminaires, où on se chauffe, où on commence à prendre des photos en sachant d’avance que ces photos là ne seront pas encore bien et puis, peu à peu, il y a un déclic qui s’effectue et les choses commencent à devenir parlantes.

Je commence à prendre des photos et je sens que je suis vraiment dans le bain. Et si c’est la bonne journée, cet état là se prolonge parfois et puis brusquement on a le sentiment qu’on devient répétitif. On n’a pas fait le tour du thème, pas du tout, mais on a le sentiment que l’état de grâce a passé et qu’on est en train de se répéter un tout petit peu. A ce moment, il vaut mieux continuer à marcher e pu chercher peut-être autre chose.

Transcription d’un interview de Jean Mohr réalisé pour le CD-Rom. 1999

 

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Les photographes

Des photographes de rue aux amateurs distingués, toute une gamme qui mérite d’être épinglée avec humour par Jean Mohr.

Jean Mohr travaille presque toujours avec la lumière ambiante. Très rarement, il ajoute quelques lampes, quand c’est vraiment indispensable et il déteste le flash pour deux raisons: d’une part à cause du manque de discrétion à la prise de vues, d’autre part parce que les images qui en résultent y compris avec les flashes compensés ont un côté figé et artificiel, flatteur parfois, mais qui tue la vérité et donnent à l’image, selon lui, un côté qui rappelle les magazines d’autrefois, avant la mise au point des pellicules ultra sensibles.

Cela ne l’empêche pas d’observer ses confrères et de les croquer ici et là. Il est particulièrement attiré par les photographes de rue qui, dans beaucoup de pays, possèdent encore des appareils à développement quasi instantanées dans leurs grosses boîtes à soufflets.

 

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